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De Villon à Prévert

 

“Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu…”

 

Les plus grands poètes français s’appellent Pierre de Ronsard (1524 – 1585), Jean Racine (1639 – 1699), Charles Baudelaire (1821 – 1867), Arthur Rimbaud (1854 – 1891),  Guillaume Apollinaire (1880 – 1918) et Louis Aragon (1897 – 1982). Dans la deuxième catégorie, on trouve François Villon, Jean de la Fontaine, les pompiers du dix-neuvième (en premier lieu Victor Hugo, mais aussi Alphonse de Lamartine et Alfred de Vigny), Paul Verlaine, Paul Eluard et Jacques Prévert. Leurs poèmes ont pour sujets la nature (les fleurs, les oiseaux, le soleil), le temps, l’amour. Pour la plupart, ils sont empreints de douce mélancolie. Nombre des plus beaux poèmes ont été mis en musique, tout au long du vingtième siècle, souvent avec succès.

En combinant les plus beaux vers des plus beaux poèmes, on obtient un texte fantastique qui n’aurait pas déplu à André Breton.

 

Medley ou florilège poétique

 

Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose

En sa belle jeunesse en sa première fleur

Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur

Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose

Ronsard

 

Belle sans ornement dans le simple appareil

D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil

Racine

 

Dans un mois dans un an comment souffrirons-nous

Seigneur que tant de mers me séparent de vous

Racine

 

Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté

Même elle avait encor cet éclat emprunté

Dont elle eût soin de peindre et d’orner son visage

Pour réparer des ans l’irréparable outrage

Racine

 

Et je les écoutais assis au bord des routes

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front comme un vin de vigueur

Où rimant au milieu des ombres fantastiques

Comme des lyres je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied contre mon coeur.

Rimbaud

 

Un soir de demi - brume à Londres

Un voyou qui ressemblait à

Mon amour vint à ma rencontre

Et le regard qu’il me jeta

Me fit baisser les yeux de honte

Apollinaire

 

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire

 

A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

C’est le beau lys que tous nous cultivons

C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent

C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère

C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières

C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité

C’est l’étoile à six branches

C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche

Zone, Apollinaire

 

Enfant je t’ai donné ce que j’avais travaille

Apollinaire

 

Mon enfant ma soeur

Songe à la douceur

D’aller là-bas vivre ensemble

Aimer à loisir

Aimer et mourir

Au pays qui te ressemble

Baudelaire

 

Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville…

Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Blessent mon coeur

D’une langueur

Monotone

 

Le ciel est par-dessus le toit

Si bleu si calme

Un arbre par-dessus le toit

Berce sa palme.

Verlaine

 

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Et nos amours

Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine

L’amour s’en va comme cette eau courante

L’amour s’en va

Comme la vie est lente

Et comme l’espérance est violente

Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Apollinaire

 

Rien n’est jamais acquis à l’homme ni sa force

Ni sa faiblesse ni son coeur et quand il croit

Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix

Et quand il croit serrer son bonheur il le broie

Sa vie est un étrange et douloureux divorce.

Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure

Je te porte dans moi comme un oiseau blessé

Et ceux-là sans savoir nous regardent passer

Répétant après moi les mots que j’ai tressés

Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent

Il n’y a pas d’amour heureux.

Aragon

 

Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire

J’ai vu tous les soleils y venir se mirer

S’y jeter à mourir tous les désespérés

Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire

Aragon

 

Il est des pays où les gens au creux des lits font des rêves

Druon-Kessel

 

 

Je te donnerai tous les bateaux, tous les oiseaux, tous les soleils

Toutes les roses toutes les choses qui t’émerveillent

Petite fille de ma rue

Tu n’as jamais vu

Tous les bateaux, tous les oiseaux, tous les soleils,

L’ile au trésor et les fruits d’or et les abeilles

Petite fille de ma rue

Je te donnerai les goélands et les images de l’aurore

Quand l’océan n’est pas encore un paysage

Ne pleure pas ô mon amour

Polnareff

 

Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer

Exilé sur le sol au milieu de huées

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher

Baudelaire

 

Homme libre, toujours tu chériras la mer

La mer est ton miroir tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer

Baudelaire

 

Adieu vive clarté de nos étés trop courts !

Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,

Haine, frissons, horreur, labeur dur et force

Et comme le soleil dans son enfer polaire

Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé

Baudelaire

 

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans

Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,

Des cafés tapageurs aux lustres éclatants 

On va sous les tilleuls verts de la promenade

 

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin

L’air est parfois si doux qu’on ferme la paupière

Le vent charge de bruits –la ville n’est pas loin-

A des parfums de vigne et des parfums de bière…

Rimbaud

 

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu

Dort : il est étendu dans l’herbe sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine

Nature, berce-le chaudement : il a froid

Il dort dans le soleil la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Rimbaud

 

J’aime le son du Cor le soir au fond des bois

Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois

Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille

Et que le vent du nord porte de feuille en feuille

Vigny

 

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés
Je crois qu’ils sont trop clairsemés :

Ils ne furent pas bien fumés

Si m’ont failli

Ces amis-là m’ont bien trahi

Car tant que Dieu m’a assailli

En maint côtés

N’en vis un seul en mon logis :

Le vent je crois les m’a ôtés

L’amour est morte

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta

Ruteboeuf

 

Moi je t’offrirai

Des perles de pluie

Venues de pays

Ou il ne pleut pas

Je creuserai la terre

Jusqu’après ma mort

Pour couvrir ton corps

D’or et de lumière

Je ferai un domaine

Ou l’amour sera roi

Ou l’amour sera loi

Ou tu seras reine

Ne me quitte pas

Il est parait-il

Des terres brûlées

Donnant plus de blé

Qu’un meilleur avril

Et quand vient le soir

Pour qu’un ciel flamboie

Le rouge et le noir

Ne s’épousent-ils pas

Brel

 

L’église Saint Sernin illumine le soir

D’une fleur de corail que le soleil arrose

 

Nougaro

 

A la compagne de voyage

Dont les yeux charmant paysage

Font paraître court le chemin

A celle qu’on voit apparaître

Une seconde a sa fenêtre

Et qui, preste, s’évanouit.

Antoine Pol

 

Avec le temps va tout s’en va

L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie

L’autre qu’on devinait au détour d’un regard

Entre les mots, entre les lignes et sous le fard

D’un serment maquille qui s’en va faire sa nuit

Avec le temps tout s’évanouit

Ferré

 

Les mains de Jeanne-Marie…

Elles ont pâli merveilleuses

Au grand soleil d’amour chargé

Sur le bronze des mitrailleuses

A travers Paris insurgé

Rimbaud

 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme 

Qui s’attache à note âme et la force d’aimer ?

Lamartine

 

Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre

Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre

Voir le dernier Romain à son dernier soupir

Moi seule en être cause…et mourir de plaisir

Corneille

 

Je suis né sous le chef du signe de l’automne

Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs

Je regrette chacun des baisers que je donne

Comme un noyer gaulé dit au vent ses douleurs

Apollinaire

 

Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom

Liberté

Eluard

 

Un beau jour ou peut-être une nuit

Près d’un lac je m’étais endormie

Quand soudain

Semblant crever le ciel

Et venant de nulle part

Surgit un aigle noir

Lentement les ailes déployées

Lentement je le vis tournoyer

Près de moi dans un bruissement d’ailes

Comme tombé du ciel

L’oiseau vint se poser

 

Barbara

 

Rappelle-toi Barbara

Et ne m’en veut pas si je te tutoie

Je dis tu à tous ceux que j’aime

Même si je ne les ai vus qu’une seule fois

Je dis tu à tous ceux qui s’aiment

Même si je ne les connais pas

Prévert

 

Des milliers et des milliers d’années

Ne sauraient suffire

Pour dire

La petite seconde d’éternité

Où tu m’as embrassé

Où je t’ai embrassée

Un matin dans la lumière de l’hiver

Au parc Montsouris à Paris

A Paris

Sur la terre

La terre qui est un astre.

Prévert

 

Demain dès l’aube à l’heure où blanchit la campagne

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Et quand j’arriverai je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur

Hugo

 

Frères humains qui après nous vivez

N’ayez les coeurs contre nous endurcis

Car si pitié de nous pauvres avez

Dieu en aura plus tôt de vous mercis.

Villon

 

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au coeur…

Quand nous chanterons le temps des cerises

Sifflera bien mieux le merle moqueur.

Cerises d’amour aux robes pareilles

Tombant sous la feuille en gouttes de sang

Mais il est bien court le temps des cerises

Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.

Clement