Johnny Hallyday, archétype du chanteur de droite.

Johnny Hallyday fut un rebelle dans le style de James Dean jusqu'à l'âge de 25 ans. Cette génération, dite Yéyé, se rebellait contre l'autorité parentale mais pas contre le conservatisme social et les valeurs politiques ou religieuses de la bourgeoisie française. Au cours des années 60 les véritables rebelles dénonçaient les guerres coloniales d'Algérie et du Vietnam tandis que les Yéyés (et plus tard les Hippies) prônaient la non-violence et la liberté individuelle. Johnny et ses fans furent totalement absents de la révolution culturelle de Mai 68 et des mouvements étudiants. Par la suite les chanteurs de droite prirent le pas dans les médias sur le triumvirat anarchiste Brassens-Brel-Ferré. Sardou fut le meilleur exemple de ces chanteurs réactionnaires qui glorifiaient la puissance américaine mais il était suivi de près par Johnny Hallyday pour qui la civilisation commençait à Nashville ou à Los Angeles. Johnny était bien un Elvis Presley français, un rebelle de pacotille.

Johnny Hallyday refléta ensuite parfaitement le conservatisme et l'individualisme qui naquirent à la fin des Trente Glorieuses, et dominent la société française depuis les années 80. Il fut le symbole de la réussite individuelle, du self-made artiste parti de rien, sans famille et sans repères, et qui surfe sur l'air du temps et les passions populaires. Catholique, ami de Sarkozy et des puissants en général, il fut l'idole des jeunes blancs et le demeura lorsqu'ils vieillirent. Il fut l'idole des pavillons de banlieue, une idole ignorée des cités HLM métissées où fleurirent le hiphop et le rap.

Johnny fut une passion française et de nombreux politiciens (trois Présidents!) ont tenu à participer à ses funérailles, reflétant le consensus mou qui prévaut actuellement autour du charismatique Emmanuel Macron. Comme ce dernier Johnny n'était ni de droite ni de gauche, il était dans le camp de l'amour universel, bien au-dessus des classes et de leurs mesquines querelles. Un conservatisme dans toute sa splendeur, celle de l'idéologie néo-libérale.

Le rock et le blues comme un nouvel opium du peuple remplaçant le christianisme en déclin? "Johnny était beaucoup plus qu'un chanteur" (E. Macron), le ciment vocal d'une société qui piétine et où les décibels ont remplacé les rêves.